(Vitebsk, Biélorussie, 1890 - Paris, 1967)
Ossip Zadkine naît le 4 juillet 1890 à Vitebsk, aujourd’hui en Biélorussie. Son père, Ephime Zadkine, enseigne le grec et le latin au séminaire de Smolensk et sa mère, Sophie Lester, est issue d’une famille écossaise de constructeurs de bateaux, émigrée en Russie au XVIIe siècle.
En 1905, ses parents envoient Zakine à Sunderland, au nord l’Angleterre, chez un certain « oncle John » qui le fait inscrire à l’Art school locale et l’initie à la sculpture sur bois. En 1906, l’adolescent rejoint un ami à Londres sans l’assentiment de son père qui lui coupe les vivres. Il s’inscrit au cours du soir du Regent Street Polytechnicum et passe tous ses dimanches au British Museum. Pour survivre, il se fait embaucher chez des artisans du meuble du quartier East End où il se voit confier des ornements à tailler.
Fort de cet apprentissage, il réalise ses premières sculptures en taille directe, comme Tête héroïque en granit, 1908, qu’il sculpte lors un séjour estival en Russie. Son père, qui reconnaît son talent, prend la décision de l’envoyer à Paris en 1910, où Zadkine s’incrit à l’Ecole des Beaux-Arts. Au bout de six mois, il quitte l’école. La découverte de la sculpture antique et médiévale au Louvre le persuade de «chercher la vie dans la simplification ou l’accentuation » des formes. Comme d’autres sculpteurs de sa génération – Amadeo Modigliani, Alexander Archipenko, Henri Gaudier-Brzeska, Zadkine remonte aux sources vives de l’archaïsme et promeut la technique de la taille directe qu’il pratique dès 1911, replié dans son atelier de la Ruche.
En 1912, il s’installe au 114 rue de Vaugirard, plus près du carrefour Vavin et du café de La Rotonde, où il rencontre Matisse, Picasso, approche Apollinaire et Modigliani. Lors du Salon d’automne de 1913 il fait la connaissance de son premier collectionneur, Paul Rodocanachi qui acquiert plusieurs œuvres dont Samson et Dalila et La Sainte Famille et lui procure un nouvel atelier plus vaste et ensoleillé au 35 rue Rousselet.
Le 24 janvier 1916, Zadkine signe son engagement volontaire pour se joindre à l’effort de guerre. Incorporé dans le 1er régiment étranger, il sert dans une section de brancardiers-infirmiers. Au mois de mai, il est affecté à l’Ambulance russe en Champagne : casernes, obus, tranchées, évacuation des blessés, mutilés, salles d’hôpital forment son cadre quotidien. Gazé à la fin du mois de novembre, Zadkine est évacué et hospitalisé à son tour. Réformé en octobre 1917, il retrouve la rue Rousselet avec une santé chavirée et un moral en berne. Il rapporte une quarantaine d’œuvres sur papier exécutées dans l’urgence – crayon, fusain, encre et quelques aquarelles. La force d’expression de ces dessins l’incite à en graver une vingtaine qu’il fait paraître en album sous le titre Vingt eaux-fortes de guerre par Ossip Zadkine, soldat au 1er régiment étranger affecté à l’Ambulance russe aux armées françaises.
Son ami peintre Henri Ramey l’invite à passer l’été près de Montauban, dans le village médiéval de Bruniquel où Zadkine se retrouve en harmonie profonde. Au mois d’octobre 1918, il expose avec Ramey à la Galerie Chappe-Lautier de Toulouse où il présente cinquante-sept œuvres sur papier et quatre sculptures directes.
En 1919, Valentine Prax, une jeune femme peintre, devient sa voisine rue Rousselet. Tous deux partagent l’exil et les bonheurs âpres de la « bohème ». Ils se marient en août 1920 à Bruniquel. Deux mois auparavant, Zadkine a organisé sa première exposition personnelle en son atelier: quarante-neuf sculptures taillées dans le bois, la pierre ou le marbre. Dans la préface du catalogue, Georges Duthuit souligne la simplicité de cette création.
En février 1921 Zadkine expose à la galerie La Licorne que vient d’ouvrir le docteur Girardin. Cette même année, il est naturalisé français et voit entrer au musée de Grenoble son Tigre en bois doré et une Tête de jeune fille en marbre, à l’instigation du conservateur Andry-Farcy. Les sculptures produites de 1921 à 1924 par Zadkine témoignent de la transformation de son style, l’artiste découpe plus nettement les plans, aiguise les arêtes, soumet les volumes à la rigueur d’une géométrie. La Femme à l’éventail qu’il expose au Salon d’automne de 1923 ou la série de l’Accordéoniste sont les plus clairs représentants du « petit monde rigide et angulaire cubiste » que le sculpteur dépasse bientôt pour revenir à lui-même. En 1925 la Galerie Barbazanges, l’une des premières de Paris, lui consacre une grande exposition.
Il entame alors de profondes mutations dans son travail. Sans renoncer à la taille directe, Zadkine, exécute des modèles en plâtre ou en terre, coulés ensuite dans le bronze. Il réalise alors Les Ménades, Naissance de Vénus, Figure drapée, Orphée marchant, Diane. Libérées de la gangue du bloc compact, les formes se plient à l’harmonie d’un rythme fluide. Le voyage en Grèce (1931) confirme ce retour « aux limpides sources de philosophies religieuses et esthétiques » de la plastique antique.
Depuis 1928, Zadkine a quitté l’atelier de la rue Rousselet pour la rue d’Assas. Sa notoriété se confirme par des expositions personnelles à Londres (1928), à la Biennale de Venise (1932), au Palais des beaux-arts de Bruxelles ou à New York (1933). Mais sous l’effet de la crise économique, les collectionneurs se volatilisent. Fidèles au pays du Quercy, Ossip Zadkine et Valentine Prax s’établissent dans le village des Arques, dans une grande maison délabrée avec une grange en 1934. Une terre à laquelle Zadkine doit s’arracher après la défaite de la France et la prise de pouvoir des nazis. A la fin de mai 1941, avec l’aide de Valentine Prax, qui reste en France pour défendre leurs biens, il obtient un visa pour les Etats-Unis.
Zadkine embarque à Lisbonne le 20 juin 1941 sur l’Excalibur, dernier bateau américain à quitter l’Europe. A New York, il loue un atelier dans le quartier de Greenwich Village : tout est à improviser, à recommencer « mais le cœur n’était pas à la sculpture. Je recevais de trop mauvaises nouvelles de la France. » et de trop rares lettres de Valentine, isolée et harcelée par les autorités. Pourtant dès octobre 1941, Zadkine expose à la Galerie Wildenstein, des gouaches pour l’essentiel. En mars 1942, la Galerie Pierre Matisse l’invite à participer à l’exposition Artists in Exile aux côtés de Léger, de Chagall ou de Lipchitz.
Zadkine mène aussi une activité d’enseignant, notamment à l’Art Students League. La lecture du livre de Mario Meunier, La légende dorée des dieux et des héros, lui inspire une série de dessins sur Les Travaux d’Hercule – les combats héroïques sont d’actualité et passent par le symbolisme plastique et poétique de La Prisonnière (1943) ou du Phénix (1944), deux sculptures marquantes de cette période. Le 5 septembre 1945, Zadkine obtient son visa, le 28 il débarque au Havre. En 1946 il se voit confier la direction de la classe de sculpture à l’Académie de la Grande-Chaumière, située à Montparnasse, rue de la Grande-Chaumière. Son cours connait un grand succès. Il y enseignera jusqu’en 1958.
Son art retrouve, au sein du chaos, une unité de mouvement et d’élan. Le souvenir des villes fracassées par la guerre: Le Havre, Rotterdam, lui dicte le projet de monument de La ville détruite. La municipalité de Rotterdam lui passe commande de ce monument en 1950. La même année, Zadkine reçoit le grand prix de sculpture de la Biennale de Venise et participe à l’exposition L’Art sacré, œuvres françaises des XIXe et XXe siècles au Musée national d’art moderne. La première œuvre sur bois qu’il aura taillée à son retour avec « une joie intense et intime » est un Christ, acquis par l’Etat en 1952. Il poursuit dans son atelier parisien ou à l’Académie de la Grande Chaumière, l’expérience de l’enseignement. La reconnaissance internationale se manifeste par les expositions du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles (1948), du Boymans Museum à Rotterdam (1949), de la galerie Fujikawa au Japon (1954).
Zadkine est désormais l’un des grands noms de la sculpture du XXe siècle. Le musée Wallraf-Richartz de Cologne (1960), la Tate Gallery à Londres (1961), le Kunsthaus de Zurich (1965) lui consacrent de grandes rétrospectives. En dépit d’une santé chancelante, il mobilise ses forces pour des projets, des réalisations d’œuvres monumentales, comme celle de La Forêt humaine (1960-1962) élevée devant le siège de la Fondation Van Leer à Jérusalem, celle de La Demeure (1963-1964) pour la Nederlandsche Bank à Amsterdam.
Il commence en 1962 la rédaction de ses mémoires publiées sous le titre Le maillet et le ciseau, souvenirs de ma vie. Préoccupé du devenir de son œuvre, il songe avec Prax à l’ouverture d’un musée, projet que celle-ci réalisera seule, après la mort de Zadkine. Le premier catalogue raisonné de ses sculptures paraît dans la monographie que lui consacre Ionel Jianou en 1964.
Vers 1965 il ouvre les voies inédites, mystérieuses des « sculptures pour l’architecture » qu’il rêve de déployer à grande échelle dans l’espace urbain. Le 8 novembre 1967, il achève le buste de son ami l’écrivain Claude Aveline.
Il meurt le 25 novembre au matin. Il est enterré au cimetière Montparnasse. Il est considéré comme l'un des plus grands maîtres de la sculpture cubiste. La production artistique de Zadkine s'échelonne sur un demi-siècle et comprend plus de quatre cents sculptures, des milliers de dessins, aquarelles et gouaches, des gravures, des illustrations de livres et des cartons de tapisserie.