Galerie des Modernes

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Francis Picabia

Post-impressionisme, Art abstrait, Cubisme, Dada, Surréalisme, Transparences

(1879 - Paris - 1953)

Si on devait désigner un artiste difficile à saisir au XXème siècle, on désignerait rapidement Francis Picabia. Brillant, il change de style très souvent, mais en vérité, sa personnalité et son œuvre sont fascinants, même pour ceux qui les trouvent contestables.

Francis Picabia n’a qu’une quinzaine d’années lorsque son premier tableau est accepté en 1894 au Salon des artistes français, où il est honoré d’une mention. Bien qu'issu de la grande bourgeoisie réprouvant la vie d’artiste, sa famille ne s’oppose pas à la vocation du jeune homme. Au cours de six années d’études à l’Ecole des arts décoratifs, Picabia pratiqua une peinture impressionniste suffisamment remarquable pour retenir l’attention de son aîné Camille Pissaro qui lui prédit une belle carrière.

Sa première exposition personnelle en 1905 est un tel succès que la galerie Haussmann lui signe un contrat avantageux. Cette capacité de séduction est une qualité que Picabia saura toujours exploiter. Alors qu’il paraissait à l’orée d’une carrière de peintre à succès, très vite il ne se satisfait plus d’être le suiveur applaudi des Sisley et Pissarro et l’enfant gâté d’une galerie à la mode. Il rompt brutalement avec la galerie Haussmann en 1908. Pour se venger, celle-ci décide de mettre d’un seul coup en vente la totalité des œuvres qu’elle possède. Sa cote s’effondre.

Picabia n’en a cure et se sent même plus libre. Il s’essaye un moment au néo-impressionnisme, en peignant par petites touches de couleur pure, puis se laisse tenter par la manière décorative des peintres « nabis » tels Bonnard et Vuillard, supprimant presque entièrement la profondeur et soulignant objets et personnages d’un cerne foncé. Enfin, ses portraits schématiques de l’époque relèvent davantage du fauvisme qui privilégie la pose des couleurs en aplats.  

Les couleurs vives du fauvisme ne distraient cependant pas Picabia de son intérêt pour le dessin, ce qui pourrait bien être l’effet de l’émergence du cubisme récemment inventé par Picasso et Braque, et qui commence à se faire connaître dans ces années 1908-1909.

Les œuvres que Picabia sont alors à la fois très colorées et très construites. D’évidence il cherche, et en 1909 surgit une peinture qu’il intitulera ultérieurement Caoutchouc. Cette combinaison de plans de couleur et de quelques cercles noirs ne renvoie plus à une quelconque réalité. Peut être s’agit-il de la première peinture abstraite, née « d’un de vos caprices », dira beaucoup plus tard André Breton qui l’admire.

Si le cubisme a retenu l’attention de Picabia, il n’a pas l’intention, lui, de limiter sa palette au petit nombre de couleurs très sobres caractéristiques alors des peintures cubistes. Finalement, son art très particulier écarte les éléments figuratifs au profit d’une combinaison dynamique de surfaces géométriques multicolores. Bientôt, Picabia rencontrera Marcel Duchamp. Les deux hommes sont des affinités et c’est très vite la parfaite entente. Il est probable que ce soit sous l’influence de Duchamp que Picabia a introduit un véritable dynamisme dans ses œuvres.

Picabia s’est rendu à New York en 1913, à l’occasion de l’Armory Show, la première exposition internationale d’art contemporain sur le sol américain. Il s’y fera de nouveaux amis, Man Ray entre autres. Lorsqu’il y retourne en 1915 – 1916, il découvre toute une société technologique qui l’impressionne au point de l’inciter à peindre des machines, des formes mécaniques. Ces œuvres suscitent la réprobation du public et de la critique. Or, au même moment, à Zurich, un petit groupe de poètes et d’artistes dadaïstes crie son aversion contre la guerre, son désespoir et son désir de faire, par la dérision, table rase du passé.

Dès son retour en Europe, Picabia rejoindra le groupe, on le verra alors collaborer à la revue Dada, tandis que Tristan Tzara et Jean Art participeront à 391, la revue que dirigera Picabia pendant plusieurs années (1917-1924). Grâce à Tzara, que Picabia fait venir à Paris, se lance alors une nouvelle génération dada incarnée par André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault… L’activité de Picabia est débordante : peintre, poète, illustrateur, dessinateur… Les tableaux de cette époque sont souvent d’une simplicité agressive assortie d’inscriptions déconcertantes.

Se sentant à l’étroit dans le cercle Dada, il ne tarde pas à fréquenter les Ballets suédois, le compositeur Eric Satie et René Clair avec lesquels il crée Relâche (1924) et le film Entr’acte (1924). Les surréalistes sont scandalisés de le voir réaliser des œuvres trop complaisantes pour le public mondain. Peu après cette époque, Picabia produit toute sorte de collages et se lance dans la production des Monstres: personnages au nez démesuré, bariolés etc…

Vient ensuite la période des Transparences, tableaux dans lesquels l’artiste superpose plusieurs motifs figuratifs dont il modifie la couleur et l ‘échelle. Picabia reste donc à l’écart du mouvement d’André Breton, et ce sont ses amis Man Ray et Duchamp qu’il restera le plus fidèle.

Pendant les années trente, Picabia mène son œuvre au gré de son humeur avec un évident et malicieux plaisir à déconcerter le public.On le voit aussi un peu plus tard, passer de l’abstraction géométrique à certaines représentations symboliques.

La guerre, puis l’Occupation tempèrent cette versatilité et ces années noires. Cela ne semblent pas affecter son travail, l’artiste se consacrant au nu académique.  Après la guerre, une nouvelle volte-face le ramène à l’abstraction. 

Son goût immodéré pour les fêtes et les voitures (il en collectionnera plus de 150), le ruine. Il multiplie les petites toiles de nombreux genres. Ses derniers tableaux relèvent du minimalisme : des points de couleurs semés sur des fonds épais et monochromes, titrés Je n'ai plus envie de peindre, Quel prix ?, Peinture sans but ou Silence.... Au printemps 1949, la galerie René Drouin à Paris, organise sa première rétrospective.

À la fin de l'année 1951, Picabia souffre d'une artériosclérose paralysante qui l'empêche de peindre et meurt deux ans plus tard.

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