(Le Havre, 1901 - Paris, 1985)
Jean Dubuffet est né le 31 juillet 1901 au Havre dans la famille d’un prospère négociant en vins. Il suit des cours de dessin dans sa jeunesse, puis, en 1918, s’installe à Paris avec son camarade de lycée Georges Limbour, pour étudier à l’Académie Julian. Il abandonnera l’académie à peine six mois après pour travailler de façon indépendante. À cette époque, il fait la connaissance de Raoul Dufy, Max Jacob et Suzanne Valadon. De 1920 et 1922, il mène une vie solitaire qu’il consacre intensivement à l’étude, notamment celle de la philosophie et de la musique. De cette étape de sa vie, l’artiste a déclaré : « En sortant du lycée, j’ai étudié la peinture six ou sept ans et en même temps bien des matières : poésie, littérature, d'avant-garde, d’arrière-garde, métaphysique, paléographie, ethnographie, langues étrangères, langues anciennes, enfin vous comprenez bien, je cherchais l’Entrée ».
Après son service militaire, période durant laquelle il rencontre Fernand Léger et André Masson, et un voyage en Suisse, Dubuffet devient de plus en plus sceptique vis-à-vis des « Beaux-Arts » et décide d’abandonner la peinture. Il part six mois en Argentine, puis revient au Havre en 1925 pour prendre des fonctions dans l’affaire familiale. Il se marie et s’installe à Paris, où il ouvrira son propre négoce de vins à Bercy. En 1933, il tente à nouveau de se consacrer exclusivement à la peinture mais se voit contraint d’y renoncer en 1937 pour sauver son affaire de la faillite. L’automne 1942 marque un tournant dans la carrière de Dubuffet puisqu’il prend la décision de se vouer uniquement à la peinture. En dépit de ces débuts artistiques plutôt tardifs, le succès et la reconnaissance internationale sont presque immédiats. Dès 1944, il présente sa première exposition personnelle à la galerie parisienne René Drouin. À partir de 1945, il commence à collectionner l’Art brut, terme qu’il contribue à répandre, qui désigne certaines formes artistiques en dehors des mécanismes de la culture officielle. Auteur de nombreux écrits sur ce sujet, il fonde la Compagnie de l’art brut en 1948 et réunira une importante collection d’œuvres réalisées par des malades mentaux et autres marginaux, dont il admirait la technique directe et la vision, naïve ou « brute ».
L’évolution de sa carrière se divise en trois étapes distinctes : d'abord ses explorations des années quarante, qui incorporent des matériaux alors étrangers à l’art. Dans un second temps la série L’Hourloupe, un cycle érigé en système des années soixante et soixante-dix ; et enfin son œuvre tardive, plus gestuelle, des années quatre-vingt.
Durant les années 1940, il réalise les Marionnettes de la ville et de la campagne, puis, il prolonge ce travail à travers la série des Matériologies jusqu’à la fin des années cinquante. Au cours de cette période, le style de Dubuffet ébranle les règles esthétiques conventionnelles.
Au début des années 1960 il s’attaque à la série Paris Circus qui dépeint la vie animée des métropoles. Ces peintures servent de transition vers sa série suivante, L’Hourloupe (1962–74). Avec ses lignes épaisses et sa palette restreinte, L’Hourloupe crée un univers parallèle constitué de compartiments modulaires. Dubuffet travaille son sujet au travers de parcelles homogènes rappelant des structures cellulaires, aux ombres hachurées d’intensité variable. Ces œuvres évolueront jusqu’à se transformer en décors et costumes de théâtre, en sculptures monumentales et en éléments d’architectures. L’œuvre complexe qu’est Coucou Bazar, sorte de « tableau animé », constitue indéniablement le sommet créatif de L’Hourloupe. Dubuffet a créé des centaines de praticables (découpages mobiles) (1972–1973) : ce sont des projections agrandies de peintures et de dessins de L’Hourloupe sur des panneaux découpés qui sont destinés à être déplacés ou « animés » sur scène par des acteurs revêtus de costumes (avec masques, chapeaux, capes, gants et chaussures). Coucou Bazar a été représenté seulement trois fois : en 1973 au Solomon R. Guggenheim de New York; quelques mois plus tard au Grand Palais à Paris et enfin en 1978 à Turin. Complété par la présentation de dessins, Coucou Bazar est présent à cette exposition grâce à un grand nombre de praticables et de costumes disposés comme ils le seraient sur scène.
Les dix dernières années de la prolifique carrière de Dubuffet sont marquées par cinq séries : Théâtres de mémoire (octobre 1975–août 1978), Brefs exercices (mars–décembre 1979), Psycho-sites (1981), Mires (février 1983–mars 1984) et Non-lieux, (mars–décembre 1984). À l’occasion de la réalisation de ces séries, Dubuffet se distancie de plus en plus de la représentation et des matériaux, qui étaient au centre de ses travaux précédents. Son trait de pinceau devient moins délibéré, au point que sa dernière série, Non-lieux, ne garde aucune référence avec le monde physique et se réduit au geste pur de l’acte de peindre.