(Le Havre, 1901 - Paris, 1985)
Chient errant, 1957
Série « Assemblage d’empreintes »
Encre et collage de papier découpé
sur papier marouflé sur carton
Signé et daté en bas à gauche
J. Dubuffet
57
105 x 67 cm
Provenance :
- Galerie René Drouin, Paris
- Collection Madame F. Montel, Paris
- The Redfern Gallery, Londres
- Waddington Galleries, Londres
- Andrew Crispo Galleries Inc., New York
- Sid Deutsch Gallery, New York
- Collection privée, New York
- Collection privée, Belgique
Exposition :
Summer Exhibition 1972, The Redfern Gallery, Londres, été 1972
Bibliographie :
- Max Loreau, Catalogue des Travaux de Jean Dubuffet, Fascicule XII : Tableaux d'assemblages, Weber éditeur, Lausanne, 1969, décrit p. 99 et p. 130 et reproduit p. 99, n° 119
- Andreas Franzke, Dubuffet Zeichnungen, Rogner & Bernhard, Munich, 1980, reproduit en noir et blanc p. 175
Toujours en quête d’une créativité originale et de nouvelles expérimentations, Jean Dubuffet accorde une importance essentielle aux matériaux dans son œuvre : « L'art doit naître du matériau et de l’outil et doit garder la trace de l'outil et de la lutte de l’outil avec le matériau. L’homme doit parler mais l’outil aussi et le matériau aussi ».
Jean Dubuffet est l'un des grands pionniers de l'art de l'assemblage. L’artiste créa la technique de l’assemblage d’empreintes au début des années 50, lorsqu’il commença à élaborer des collages composés de divers matériaux. A partir d’objets ou de textures de toute nature : terre, sable, pierres, débris, végétaux … l’artiste réalise selon son inspiration, des empreintes à l’encre de Chine sur du papier qu’il découpe arbitrairement en fragments de toutes formes et de toutes dimensions pour, les assembler et les coller ensemble.
Chien errant, de 1957, est une œuvre très complexe et de vastes dimensions, appartenant à cette série fameuse des assemblages d’empreintes. Elle est réalisée avec une cinquantaine de papiers encrés et découpés puis collés parfois en superpositions.
Ainsi, Chien errant émerge d’un tâtonnement relativement arbitraire, de parcelles découpées, d’un jeu de formes et de taches nées du hasard de l’encre qui s’infuse et se diffuse sur le papier. Au premier coup d’œil, les formes à peine identifiées, se dérobent, comme si le résultat de l’assemblage avait été de les fondre les unes aux autres ; si bien que, chacune prend un peu des propriétés de l’autre. Le chien placé au centre de la composition se perd presque dans le paysage mais, il reste toutefois très identifiable car Dubuffet a pris soin de le cerner de papiers découpés et collés peints en noir profond tout comme son pelage hirsute. Tout en haut de l’œuvre, une bande horizontale irrégulière de couleur noire nuancée se détache, évoquant un ciel de nuit sur le sommet d’un paysage minéral. Elle permet de structurer à minima la composition en donnant un indice spatial au spectateur.
L’animal (vache, chien…) dans un paysage est un thème assez amplement développé par Dubuffet. La même année 1957, Dubuffet réalise un autre grand assemblage d’empreintes ayant également un sujet canin, Le Chien du Hasard ; cette œuvre a été offerte par l’artiste en 1968 au Musée des Arts Décoratifs, Paris, et fait donc partie depuis, des collections permanentes de ce musée.
Jean DUBUFFET
Le Chien du Hasard, 1957
Assemblage d’empreintes, encre de Chine sur papier
67 x 124 cm
Collection Musée des Arts Décoratifs (MAD), Paris, Inv. 41531
(Donation de Monsieur et Madame Jean Dubuffet, 1968)
Le poème de Supervielle intitulé Le Chien semble être en totale résonnance avec notre œuvre :
LE CHIEN
Je suis un chien errant
Et je n’en sais pas plus,
Mais voilà cette voix,
Qui me tombe dessus,
Une Voix de poète
Qui voulut me choisir
Pour me faire un peu fête,
Moi qui ne puis rien dire,
Et, qui n’ai qu’un aboi
Pour un peu m’éclaircir
Les brumes et la voix.
Je ne veux pas sortir
De mon obscurité,
Je ne veux rien savoir
D’une tête habitée
Par des mots descendus
De quelque hors-venu.
Je suis un chien errant
N’en demandez pas plus.
(Jules Supervielle)